MINISTERE DES AFFAIRES SOCIALES ET DE LA SANTE Direction Générale de la Santé

Sous-direction de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques Bureau des infections par le VIH, les IST, les hépatites et la tuberculose

Secrétariat général
Service des politiques d’appui au pilotage et de soutien Division droits des usagers, affaires juridiques et éthiques

Note de dossier : fiche explicitant le régime de responsabilité applicable à la vaccination dans le cadre de la mise à disposition contingentée du vaccin BCG Biomed Lublin

Dans le cadre de la pénurie actuelle en vaccin BCG et de la mise à disposition temporaire avec l’accord de l’ANSM d’un nouveau vaccin importé à cet effet – mais contingenté – certains praticiens ont fait part auprès des ARS et de la DGS -soit individuellement, soit par le canal d’organisations professionnelles comme le Réseau des CLAT – de leurs interrogations concernant leur responsabilité éventuelle en cas d’utilisation de ce nouveau vaccin dépourvu d’AMM, ou, a contrario, de leur responsabilité en cas de refus ou d’impossibilité d’utiliser ce vaccin.

 

1. DANS LE CAS OU CE VACCIN EST RENDU DISPONIBLE POUR LES BESOINS LOCAUX :

Ce vaccin, qui dispose d’une autorisation de mise sur le marché en Pologne, bénéficie en France d’une autorisation d’importation délivrée par le directeur général de l’ANSM, dans les conditions définies par l’article R. 5121-108 du code de la santé publique.

Cette autorisation est délivrée, au demandeur, responsable de l’importation, sur la base du dossier technique du produit présenté et des besoins actuels de notre pays.

 

1.1. Effets juridiques en cas de dommage lié à son utilisation :

Les effets sur les responsabilités qui pourraient être liées à l’utilisation d’un produit bénéficiant d’une autorisation d’importation sont proches de ceux attachés à l’utilisation d’un produit bénéficiant d’une AMM.

  •  Le fabricant ou l’importateur sont responsables du dommage causé par un défaut de leur produit. Si ce défaut entraine un effet indésirable grave, l’un ou l’autre pourra voir sa responsabilité engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux ;
  •  L’ANSM pourrait voir sa responsabilité engagée si la décision d’importation a été rendue alors que le produit ne présentait pas les qualités et garanties de sécurité auxquelles il faut normalement s’attendre et que des éléments en ce sens étaient en sa possession ;
  • -Le médecin qui utilise le produit peut voir sa responsabilité médicale engagée dans les mêmes conditions que pour tout autre produit : s’il n’a pas respecté les RCP ou n’a pas respecté les règles de l’art (par exemple, s’il commet une faute dans la manipulation lors de la vaccination, ou lors de son administration).

1.2. Effets juridiques en cas de dommage lié au refus d’utilisation par le professionnel de santé :

Dans le cas où ce vaccin devait faire l’objet d’un refus d’utilisation par une PMI ou un centre de vaccination ou tout professionnel de santé, pour divers motifs (confiance faible, retrait des médecins, etc), les responsabilités seraient différentes de celles liées à un défaut du produit ou à un défaut dans l’utilisation du produit.

En effet, dans ce cas, et en l’absence d’alternative proposée par le médecin concerné, la responsabilité du professionnel ou de la structure pourrait être engagée si le refus d’utiliser le vaccin a pu entrainer un dommage (la contraction de la maladie) et qu’un lien est établi entre la non vaccination et la survenue de la maladie pour laquelle le vaccin aurait dû lutter. La responsabilité serait alors à rechercher sur le terrain juridique de la perte de chance.

– Refus d’une PMI ou d’un centre de vaccination :

Si le refus provenait d’un centre de vaccination ou une PMI, qui refuserait de se procurer le vaccin pour le faire administrer par ses médecins : cette structure pourrait voir sa responsabilité engagée pour perte de chance.

– Refus d’un médecin exerçant en PMI ou en centre de vaccination :

Si le refus provenait d’un professionnel de santé d’utiliser le vaccin, malgré la mise à disposition du produit par sa structure employeuse, sa responsabilité pourrait être recherchée dans le cadre d’une perte de chance.

Sur ce point, il convient de rappeler les dispositions de l’article L. 3111-1 du code de la santé publique selon lequel : « Dans le cadre de leurs missions, les médecins du travail, les médecins des infirmeries des établissements publics locaux d’enseignement et des services de médecine préventive et de promotion de la santé dans les établissements d’enseignement supérieur, les médecins des services de protection maternelle et infantile et des autres services de santé dépendant des conseils départementaux ou des communes et les médecins des centres pratiquant les examens de santé gratuits prévus à l’article L. 321-3 du code de la sécurité sociale participent à la mise en œuvre de la politique vaccinale. »

Ces professionnels remplissent une mission de service public. La mise en œuvre de la politique vaccinale fait partie des activités qu’ils doivent normalement exercer. Si pour des raisons quelconques ces professionnels ne souhaitaient pas mettre en œuvre la politique vaccinale, il faudrait s’interroger sur leur maintien dans la structure de prévention à laquelle ils appartiennent.

– Refus d’un professionnel libéral :

Si le médecin exerce en libéral, sa responsabilité serait plus difficile à établir mais, pour mémoire, il existe de nombreuses dispositions du code de déontologie médicale rappelant la participation des médecins aux actions de santé publique.

 

2. DANS LE CAS OU CE VACCIN N’EST DISPONIBLE QU’EN PETITE QUANTITE ET QUE DES CHOIX DE PRIORISATION DOIVENT ETRE FAITS :

– Dommage causé par l’absence de vaccination liée à la non mise à disposition de vaccins (ex : enfant dont la vaccination est recommandée et ayant ultérieurement contracté la tuberculose):

La situation de pénurie engage la responsabilité de l’Etat, des centres de vaccination ou des PMI

au regard de la quantité de vaccins dont chacun disposait, des choix de priorisation établis, des actions effectives ou non mises en œuvre pour rappeler les enfants à vacciner.

Cette responsabilité serait toutefois appréciée au regard des dispositions relatives à la gestion des pénuries de produits de santé qui imposent aux industriels de mettre en place et en œuvre des plans de gestion des pénuries de vaccins notamment. Les industriels sont donc exposés à des sanctions financières, s’ils n’informent pas l’ANSM d’un risque de rupture de stock ou ne mettent pas en place les solutions ou mesures prévues par les plans de gestion des pénuries (article L. 5423-8 du code de la santé publique).

Si, faute de vaccins, le médecin n’a pas pu protéger un enfant qui le nécessitait, il ne pourra pas se voir reprocher une quelconque négligence. En revanche, s’il n’a pas souhaité utiliser un vaccin disponible, sa responsabilité pourrait être engagée conformément aux hypothèses au point 1.2.

– Dommage lié à l’impossibilité de répondre à l’obligation légale de vaccination (professionnel de santé ou étudiant)

De la même manière, dans la mesure où l’Etat a rendu un certain nombre de vaccinations obligatoires et qu’une partie concerne les professionnels de santé, l’Etat qui ne rendrait pas possible pour des étudiants de satisfaire à leurs obligations vaccinales pourrait voir sa responsabilité engagée s’il s’ensuivait un dommage pour ces personnes. Le cas à envisager est celui de l’étudiant qui ne peut suivre des études médicales ou paramédicales, faute de pouvoir être vacciné. Le dommage né de la non-possibilité de suivre de telles études pourrait être réparé en recherchant la responsabilité de l’Etat. Par ailleurs, si des personnes ont pu suivre des études ou exercer leurs activités sans avoir été vaccinées faute de vaccins rendus disponibles et qu’elle contractait la maladie, voire la transmettaient à des patients, la responsabilité de l’Etat pourrait être recherchée. Celle-ci serait cependant atténuée du fait de la mise en place des mesures de gestion de la pénurie de vaccin (autorisation d’importation par l’ANSM…).

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Source : DGS, 17/05/2017